L'image est floue. On y voit un homme en casquette et bleu de travail, téléphone rivé à l'oreille. Selon le tabloïd, un fan aurait pris la photo dans la soirée du samedi 5 octobre, alors que son camion de livraison transformé en «jardin mobile», avec cascades, papillons, et arc-en-ciel, immatriculé 65797-MD, serait tombé en panne, au moment de sa révélation à Manhattan.
L'invisible street-artiste ne l'est pas pour tout le monde. «Banksy possède le numéro de portable de ses grands collectionneurs. Un tout petit cercle de happy few qu'il avertit, par SMS, une heure avant sa performance, affirme une connaisseuse. C'est ainsi que je me suis retrouvée dans un coin paumé de Londres. Et là, il avait le visage découvert, sauf qu'il portait une capuche.» La photo prise par le fan pourrait, selon elle, lui ressembler. Mais elle n'y met pas la main au feu. Le mystère participe à la cote de popularité de l'artiste. La rareté de ses œuvres a transformé le vandale en véritable héros urbain.
Un artiste bankable sur marché de l'art
Depuis le début du mois d'octobre, il fait de New York sa galerie. La performance s'intitule Better Out Than In («mieux vaut dehors que dedans»), gratuit et ouvert à tous… à condition d'y arriver à temps. Sur son site Internet, Banksy entretient le suspens. Sa spécialité. Il promet de révéler une nouvelle œuvre chaque jour, fournit en guise d'audioguide un numéro gratuit au bas de l'œuvre, le 1-800-656-4271, auquel il faut ajouter # et la date de la révélation. L'artiste pousse la logique sur les réseaux sociaux, Instagram (73943 followers) et Twitter (#banksyny).
Banksy fait courir les hipsters et amateurs de street art à travers toute la ville. Un jeu. La première œuvre est apparue près de Chinatown le 1er octobre, représentant deux gamins au look de gavroche, l'un debout en équilibre instable sur le dos de l'autre tentant d'attraper une bombe de peinture dessinée sur un vrai panneau d'interdiction de tagger les murs, avec cette mention: «Graffiti is a crime». Le panneau a été retiré et l'œuvre barbouillée de blanc.
Le lendemain, 2 octobre, deuxième œuvre à l'ouest de Manhattan, à Chelsea. Banksy y a fait de l'autodérision: «This is my New York accent» («ceci est mon accent de New York»), a-t-il écrit dans le pur style des taggeurs sur un rideau de fer, ajoutant en lettres sages, «…normally I speak like this» («normalement je m'exprime comme ceci»). Les connaisseurs y ont vu un coup de pied de l'âne de l'artiste aux galeristes et autres marchands qui ont pourtant fait de lui un artiste bankable sur marché de l'art.
Pour son troisième «happening», le plus célèbre anonyme, dont on sait seulement qu'il serait né à Bristol (Grande-Bretagne) en 1974, faisait uriner un chien au pochoir sur une borne à incendie. Jeudi 10 octobre, son site révélait un ragondin au pochoir appuyé sur une poutre métallique, prévu pour East New York. «C'est tellement intrigant, c'est comme une poursuite dans les rues de New York», témoigne l'actrice Lisa Rowe-Beddoe, qui est allée voir les trois premières œuvres du graffeur. Pas sûr que le jeu émoustille autant si l'artiste est dévoilé
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