L'art urbain a désormais sa place dans les galeries, les musées, les salles de ventes et sur des façades monumentales. Le Street art s'institutionnalise-t-il au point d'oublier sa nature rebelle?
Une oeuvre de C215, réalisée à Sète en 2012 dans le cadre du festival K-Live.
DR
Barcelone, février 2012. Devant le numéro 25 de l'étroite rue Ample, la police municipale vient de prendre Christian Guémy, alias C215, la main dans le sac de bombes. Ce n'est pas la première arrestation de l'artiste. Objet du délit, cette fois : un portrait réalisé au spray sur une boîte électrique. Visiblement hermétique à l'art du Français de 38 ans, la Guardia urbana lui inflige une amende de 150 euros pour "atteinte au mobilier urbain". Comme un clin d'oeil aux tracas inhérents à l'exercice de la peinture de rue, l'exposition Au-delà du street art, au musée de la Poste, à Paris, présente, jusqu'au 30 mars, cette amende dans une vitrine consacrée à Guémy.
L'anecdote barcelonaise ne s'arrête pas là. Le 22 mai 2012, le même "vandale" doit passer devant le tribunal. Coup de théâtre. Le juge demande la relaxe au motif qu'on ne peut être condamné pour avoir "embelli" un mobilier déjà sale et tagué. "Ce que je peins a plus de valeur que ce que je détruis", jubile fièrement C215, rencontré au début de cette année dans son atelier de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Pour le monde du street art, ce n'est que justice.
L'aventure de C215 témoigne du nouveau statut dont jouit le mouvement artistique le plus important du 21ème siècle, longtemps considéré par les académies comme le vilain petit canard. "A la différence de l'art contemporain élitiste et conceptuel, le street art est accessible et populaire, précise Nicolas Laugero-Lasserre, collectionneur et directeur de l'Espace Pierre Cardin. Ces artistes sont en prise directe avec le réel et, cocorico, les meilleurs sont français." Crédibilisé par les galeries d'art, popularisé par Internet et les réseaux sociaux, légitimé par les ventes aux enchères, toléré par les municipalités, l'art du mur fait sa mue. Et les acheteurs répondent à l'appel. D'ailleurs, certains ne veulent plus parler de street art, expression trop réductrice, et préfèrent "art urbain contemporain". Sous ce label, on retrouve une pluralité de formes : les graffitis colorés de JonOne, les mosaïques d'Invader, les installations de JR, les affiches de Shepard Fairey, les pochoirs de Banksy, les gravures de Vhils ou les fresques d'Inti.
Ces artistes sont de véritables rock stars, trimballant mythologies, fantasmes - qui se cache derrière ces pseudos ? - et hordes de fans sur Facebook. "Quand je faisais mes premiers murs, la nuit, à Los Angeles, personne ne s'intéressait à moi, à part la police, rappelle sur son site Shepard Fairey, devenu célèbre, en 2008, grâce à son poster de Barack Obama, Hope. Aujourd'hui, quand je travaille sur un mur, les gens me demandent des autographes. Mon objectif étant de terminer le travail, je regrette presque le temps où je devais simplement échapper aux flics."
Le monde du street art n'est pas avare de contradictions. Les Banksy, Fairey et compagnie naviguent entre deux eaux : d'un côté, la rue, l'illégalité et, pour certains, la clandestinité ; de l'autre, la notoriété, l'argent et les musées. Ces deux facettes forment le profil d'une même médaille. Les oeuvres de Zevs exposées dans les galeries auraient-elles la même valeur s'il ne se risquait pas sur le terrain ? Pour avoir "liquéfié" un logo Chanel à Hongkong en 2009, le Français a bien failli découvrir les geôles chinoises. "Quand on acquiert une oeuvre d'un de ces artistes, on n'achète pas seulement une image, mais une part de mythe, résume l'historien d'art Paul Ardenne, codirecteur de 100 Artistes du street art (La Martinière). Ce grand mouvement artistique appartient moins au registre de la peinture qu'à celui de la performance. L'adrénaline sert souvent de moteur."
Art guérilla contre les institutions, le street art se voit aujourd'hui accueilli à bras ouverts, mais sous certaines conditions. A partir du 13 avril, le Centre Pompidou organise Ex situ, qui permettra à sept artistes, dont Rero, Ludo ou Ox, d'"exposer" leurs pratiques. Une programmation destinée aux 13-16 ans. De là à parler d'infantilisation... "Cette forme d'art n'appelle sans doute pas des propositions classiques mais plutôt des installations en résonance avec ces démarches", répond Alfred Pacquement, directeur du Centre Pompidou. Pas faux. Avec le street art, tout est à inventer. Même la critique. "Nous sommes au début de la reconnaissance, annonce Magda Danysz, qui n'hésite pas à confronter dans sa galerie une oeuvre de Vhils à d'autres formes d'art contemporain. Il faut décloisonner le mouvement." Le street art continue de grandir, laissons-lui le temps de poursuivre sa croissance avant de choisir ce qu'il faut faire entrer au musée.
L'anecdote barcelonaise ne s'arrête pas là. Le 22 mai 2012, le même "vandale" doit passer devant le tribunal. Coup de théâtre. Le juge demande la relaxe au motif qu'on ne peut être condamné pour avoir "embelli" un mobilier déjà sale et tagué. "Ce que je peins a plus de valeur que ce que je détruis", jubile fièrement C215, rencontré au début de cette année dans son atelier de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Pour le monde du street art, ce n'est que justice.
L'aventure de C215 témoigne du nouveau statut dont jouit le mouvement artistique le plus important du 21ème siècle, longtemps considéré par les académies comme le vilain petit canard. "A la différence de l'art contemporain élitiste et conceptuel, le street art est accessible et populaire, précise Nicolas Laugero-Lasserre, collectionneur et directeur de l'Espace Pierre Cardin. Ces artistes sont en prise directe avec le réel et, cocorico, les meilleurs sont français." Crédibilisé par les galeries d'art, popularisé par Internet et les réseaux sociaux, légitimé par les ventes aux enchères, toléré par les municipalités, l'art du mur fait sa mue. Et les acheteurs répondent à l'appel. D'ailleurs, certains ne veulent plus parler de street art, expression trop réductrice, et préfèrent "art urbain contemporain". Sous ce label, on retrouve une pluralité de formes : les graffitis colorés de JonOne, les mosaïques d'Invader, les installations de JR, les affiches de Shepard Fairey, les pochoirs de Banksy, les gravures de Vhils ou les fresques d'Inti.
Ces artistes sont de véritables rock stars, trimballant mythologies, fantasmes - qui se cache derrière ces pseudos ? - et hordes de fans sur Facebook. "Quand je faisais mes premiers murs, la nuit, à Los Angeles, personne ne s'intéressait à moi, à part la police, rappelle sur son site Shepard Fairey, devenu célèbre, en 2008, grâce à son poster de Barack Obama, Hope. Aujourd'hui, quand je travaille sur un mur, les gens me demandent des autographes. Mon objectif étant de terminer le travail, je regrette presque le temps où je devais simplement échapper aux flics."
Le monde du street art n'est pas avare de contradictions. Les Banksy, Fairey et compagnie naviguent entre deux eaux : d'un côté, la rue, l'illégalité et, pour certains, la clandestinité ; de l'autre, la notoriété, l'argent et les musées. Ces deux facettes forment le profil d'une même médaille. Les oeuvres de Zevs exposées dans les galeries auraient-elles la même valeur s'il ne se risquait pas sur le terrain ? Pour avoir "liquéfié" un logo Chanel à Hongkong en 2009, le Français a bien failli découvrir les geôles chinoises. "Quand on acquiert une oeuvre d'un de ces artistes, on n'achète pas seulement une image, mais une part de mythe, résume l'historien d'art Paul Ardenne, codirecteur de 100 Artistes du street art (La Martinière). Ce grand mouvement artistique appartient moins au registre de la peinture qu'à celui de la performance. L'adrénaline sert souvent de moteur."