Quels ont été vos débuts ?
J’ai étudié aux Arts Déco. Là, j’ai rencontré des gens avec qui j’ai commencé à faire des fanzines, de la sérigraphie. Puis nous avons fait la connaissance de Jean Faucheur, qui pratiquait déjà des collages et avait envie de partager sa technique avec d’autres. Avec lui, nous avons alors monté un collectif de sept artistes, les Frères Ripoulin, en 1984.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans l’affiche ?
Déjà, avec les fanzines, on avait l’idée de créer des choses pour les partager très vite. Et à l’époque, c’était un parcours difficile pour arriver dans une galerie. Poser une affiche dans la rue était très efficace. D’autant qu’on avait une technique simple, mettre notre numéro sur l’affiche pour qu’on puisse nous contacter... Il y avait beaucoup d’émulation dans notre groupe : on essayait toujours de surprendre les autres. Même si on travaillait chacun sur nos supports, et que nous n’avons presque jamais rien fait en commun.
Quelles étaient à l’époque vos sources d’inspiration ?
Pourquoi avez-vous alors arrêté le travail en extérieur pour quelques années ?
Les affiches, au départ, étaient vraiment une action de groupe, et à la dissolution je n’ai pas eu envie de continuer tout seul.
On s’est trouvé chacun un peu isolés, et on a pu prendre le temps de réfléchir à ce qu’on faisait. Ensuite, quand je suis retourné en extérieur, j’avais envie de me servir de cette réflexion. Au fur et à mesure que je faisais des collages, je me rendais compte que l’environnement était important, que la saison était importante. J’ai travaillé sur l’interaction entre l’oeuvre et l’extérieur.
Comment s’est opéré ce retour à la création dans la rue ?
J’en avais un peu assez de travailler tout le temps en atelier. Je suis retombé sur Jean Faucheur, qui avait recommencé à travailler avec des gens plus jeunes comme Thom Thom. Cela m’a permis de rencontrer une nouvelle génération. J’ai eu l’envie de retrouver cette action très directe, très rapide, et pendant des années je n’ai plus fait que ça...
Comment choisissez-vous les lieux de vos interventions ?
Vous vous êtes aussi beaucoup intéressé aux no man’s land urbanistiques que sont certaines zones de banlieues...
Oui, je m’intéresse beaucoup à la couche suburbaine, parce qu’il y règne un grand désordre architectural. Paris est très ordonné, très rigoureux. En banlieue, la multiplicité des emplacements fait qu’il y a des points de vue très particuliers. Ce sont des endroits où je n’avais pas tendance à aller, où l’on n’a pas l’habitude de marcher - près des bretelles d’autoroute, par exemple. Il y a aussi beaucoup plus de choix, de recul pour les prises de vue.
Détourner des espaces publicitaires, c’est offrir une forme de respiration dans la ville ?
Diriez-vous qu’il y a une dimension ludique dans votre travail ?
Bien sûr, cela vient de l’esprit de l’époque où j’ai commencé, un peu post-punk, déconnant, potache. Certains visuels que je trouve, je les rapprocherais d’Hara-kiri, surtout les fiches bricolages qui n’étaient pas loin de certaines formes d’art contemporain aujourd’hui. Faire sourire me fait plaisir, cela fait partie de mon travail.
Pourquoi ce goût de la forme géométrique, presque abstraite ?
Cela provient de mon travail en atelier. A mes débuts, je faisais des graphismes assez saturés et compliqués. Et puis j’ai réduit de plus en plus le nombre de signes. J’ai par exemple utilisé des images commerciales dont j’ai enlevé tous les signes reconnaissables. Ne reste plus qu’une trame assez abstraite, un réseau assez minimal. J’aime travailler avec le moins de choses possible.
Vous participez actuellement à une exposition à la New Square Gallery, avec Speedy Graphito, Ludo et Rero, tous passés par l’art urbain (cf. l'interview d'Emmanuel Provost). C’est un mouvement dans lequel vous vous reconnaissez ?
En fait, nous nous connaissions tous les quatre et nous avions envie de travailler ensemble, mais c’est vraiment une exposition qui ne fait pas référence à notre travail dans la rue. Nous avons réfléchi à l’intérieur du format de la peinture. Les expositions qui se revendiquent street art me gênent un peu. Même si je profite de l’engouement actuel, qui sera sans doute provisoire.
Pourquoi ?
Il y a tellement de tendances et d’écoles qu’à mon avis, ça ne peut pas définir un style. Même si je ne rejette pas le terme de street art, quand j’ai commencé, cela ne s’appelait pas ainsi. Il y a beaucoup de choses que je n’aime pas dans le street art, par moments je considère même que c’est une pollution visuelle au même titre que la publicité, quand c’est mal placé par exemple... Je trouve que parfois ça s’impose un peu trop.
Quels sont vos projets actuels ?
J’animerai un atelier dans le cadre du projet « Ex Situ à Beaubourg ». Et je commence seulement à retravailler en atelier. Je suis content de revenir au travail sur toile, hors contexte. J’y trouve des contraintes formelles qui me plaisent.
Propos recueillis par Sophie Pujas