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samedi 29 juin 2013

L’affaire des tulipes hollandaises, premières folies spéculative de l’histoire - Illustration LUDO


Cette bulle financière a explosé en février 1637, trois siècles et demi avant la bulle internet. Ce n’étaient pas les prix des actions qui avaient flambé, mais ceux d’une fleur.

Les sept rejetons de Wouter Winkel ont eux de la chance! a la mort de leur père, en 1636, ils furent confiés à l’orphelinat d’Alkmaar (Hollande) et découvrirent que ce tavernier avait eu la bonne idéede s’offrir… des tulipes.Il en possédait 70 variétés, dont deux Viceroy et sept Gouda, très recherchées à l’époque. L’orphelinat les mit au enchères le 5 février 1637. Et la vente connut un enorme succès. Le soir même, Les jeunes héritiers se retrouvèrent à la tête de 90 000 guilders, l’équivalent de 4.5 millions d’euros d’aujourd’hui! Fort heureusement la collection fut liquidée le jour même où la spéculation sur l’oignon de tulipe atteignait son sommet. Un mois plus tard, l’héritage winkel aurait rapporté des nèfles.

Etrange, cette « tulipomania » qui s’empara de la Holande entre 1633 1637.
Elle présentait toutes les caractéristiques des bulles boursières et immobilières que nous avons connues depuis. Et elle aurait dû nous apprendre deux choses.
D’abord, que la folie de la spéculation peut frapper les esprits les plus réfléchis. Les Bataves qui abandonnèrent leur métier pour se lancer dans le commerce des tulipes étaient en effet de stricts calvinistes habitués à trimer quatorze heures par jour. La deuxième leçon est que les bulles spéculatives se forment pendant les périodes d’expansion. Comme les Japonais en 1989, qui payaient leur logement jusqu’à 50 000 euros le mètre carré, et comme les épargants américains dix ans plus tard, qui se ruaient sur les actions internet, les Hollandais du début du XVIIè siècle vivaient un âge d’or.

Les riches marchands encaissaient des profits de 300% sur les épices, et leur bonne fortune se répercutait sur les artisants, qui épargnaient jusqu’à 15% de leur revenus.
Si une simple fleur a provoqué la première grande vague spéculative, c’est qu’il s’agissait alors d’une denrée rare. Originaire des confins du Tibet et de l’Afghanistan, la tulipe fut d’abord cultivée en Perse et en Turquie. En 1562, un marchand d’Anvers découvre un paquet d’oignons dans une cargaison venue d’Orient. il en mange une partie et plante l’autre, qu’il montre une foi fleurie, à un botaniste. dès lors, la tulipe se répand et les jardiniers créent de nouvelles variétés. De 100 en 1630, on passe à 1000 en 1630. Les banquierset les marchands collectionnent ces spécimens, dont les prix atteignent jusquà cinq ans de salaire d’un artisant. Il faut dire que, une foi qu’une nouvelle tulipe est née, il faut des année de soins pour la produire à quelque dizaines d’exemplaires.

La demande augmentant, le business des maraîchers est florissant. En 1633, c’est le début de la bulle: à Hoorn, un amateur offre une maison contre trois tulipes rares. A partir de 1635, les bulbes ne s’échangent plus uniquementpendant les quatres mois ou ils sont physiquement disponibles. on fait commerce de promesses stipulant que l’acheteur disposera de l’oignon quand il sera retiré de terrre. Rédigées sur papier, ces promesses valent 10% du prix convenu. Cette innovation a trois conséquences. De saisonnier, le business des tulipes devient permanent. Les promesses peuvent se revendre, créant ainsi un marché à terme (l’équivalent des marchés dérivés d’aujourd’hui). Enfin, le spéculateur peut, en misant très peu, espérer gagner beaucoup. Le fameux effet de levier…

Soudain, l’enrichissement semble donc à la portée de tous. On commence à vendre non des bulbes, mais des parts de bulbes. on parie financièremnt sur le poids des oignons lorsqu’ils seront retirés de terre. On fourgue des espèces banales en les faisant passer pour rares. Le prix de certaines variétés double en moins d’une semaine. A la fin de 1636, la Hollande est saisie de frénésie: des charcutiers aux barbiers, tout le monde veut se joindre à la partie.
Tout le monde, ou presque. au début de 1637 paraît un pamphlet signé Adriaen Roman, qui met en scène un tisseur ayant tout vendu pour devenir fleuriste. L’homme se moque d’un ex-collègue trimant pour faire 10% de bénéfice. Mais ce dernier lui rétorque qu’il n’a pas encore encaissé ses prétendus profits mirifiques… L’ouvrage et prophétique. début février, dse négociants de Haarlem refusent d’acheter un oignon présenté à 1250 guilders. 1100, concède le vendeur. C’est encore non. 1000? Silence. La séance est suspendue, et toute la ville le sait très vite. D’un coup, la valeur des tulipes s’effondre de plus de 99%. Des dizaines de milliers de Hollandais sont ruinés. Il faudre des mois pour que les autorités décident d’exempter les promesses de vente de payer les 90% du prix convenu à l’échéance.

Ce fut la première et la dernière fois qu’un krach se solda par l’absolution des débiteurs. Mais, pour les créanciers, la leçon fut terrible. C’est pourquoi les courtiers de Wall Street ont longtemps remis à leurs nouveaux employés le livre « Les Extraordinaires Illusions populaires et la Folie de foules », publié en 1841.
Hélas, l’ouvrage fut épuisé bien avant la bulle internet.
Patrice Piquard
Les anecdotes rapportées ici sont tirées de la « Tulipomania », ouvrage de Mike Dash (éditions J.-C. Lattès)