Nombre total de pages vues

samedi 11 décembre 2010

BANKSY - FAITES LE MUR


Ca démarre avec le traditionnel pre-roll de studio, ici le logo de la Paramount rebaptisé "Paranoïd" et criblé de balles au lieu d'étoiles. Pas de doute, on entre bien en territoire Banksyesque. Puis, la formidable chanson de Richard Hawley (ex Pulp), la bien-nommée Tonight The Streets are Ours, colle une ambiance guillerette aux images de graffeurs masqués et d'interpellations nocturnes du générique.C'est ensuite au tour de Banksy de vous expliquer à quoi vous avez affaire : The film is the story of what happened when this guy tried to make a documentary about me, but he was actually a lot more interesting than I am, so now the film is kind of about him. It's not "Gone with the Wind", but there's probably a moral in there somewhere.En effet, ce film n'est pas tant l'histoire d'un français un peu fou qui s'est incrusté dans le milieu du street art dans les années 2000 qu'une fable cynique sur la notion de réussite artistique. Tout sauf élitiste, Faites Le Mur (Exit Through The Gift Shop) sait se faire assez didactique pour tendre la main à ceux qui ne connaissent pas le street art, mais là n'est pas l'essentiel, car ceci n'est pas un documentaire sur le street art. Ce film est une nouvelle pièce de l'oeuvre de Banksy, complètement cohérente avec la réflexion qu'il a toujours menée sur notre société à travers l'art, le commerce, la pop culture, la politique. Nouveau média pour Banksy, mais toujours cet humour et cette formidable intelligence qui ont toujours fait mon admiration pour cet artiste sans visage.Accordéon : il est temps de faire la connaissance de Thierry Guetta, l'incroyable héros français de cette histoire : marchand de fripes à Los Angeles, vidéaste obsessionnel de sa propre vie et... cousin de Space Invader. Fasciné par le travail de son cousin, Thierry le suit à la trace, intègre le milieu et collecte pendant près de dix ans des images uniques et inestimables des plus grands street artists au travail. Personne n'osera se plaindre de la difficulté de voir un long-métrage constitué en majorité d'images de caméscope granuleuses, tant leur valeur documentaire est exceptionnelle (un jeune Shepard Fairey pas encore superstar en pleine séance de photocopies dans un copytop angeleno, Banksy accrochant un mannequin en costume de détenu de Gantanamo à Disneyland...). Un rappel salutaire, à l'heure de la 3D, de la HD et autres révolutions de l'image, que le contenu restera toujours essentiel. La part belle est donnée à la scène parisienne : si vous aussi, parisiens trentenaires, vous avez un petit pincement au coeur en voyant Zevs, André et Invader taguer un mur de la rue Visconti ensemble au son du Kelly Watch the Stars de Air... La suite de l'histoire, qui voit Thierry Guetta se transformer en superstar de l'art à la manière décomplexée d'un Christian Audigier, est folle, édifiante, immorale, et surtout, incroyablement drôle. Tellement incroyable que de nombreux observateurs se demandent si Mr Brainwash (l'alias artistique de Thierry Guetta) n'est pas une invention de Banksy, un Borat de l'art. On se surprend à rêver que ça soit vrai, même si le manque de discernement et le suivisme snob des spéculateurs de l'art contemporain n'est plus à prouver. Ça serait peut-être un bon doigt d'honneur, mais ça ne changerait pas grand-chose à la grande mascarade qu'est l'art contemporain aujourd'hui. On ne va pas s'apitoyer sur le sort des dindons de la farce que sont ces milliardaires suffisamment dénués de goût et de personnalité pour s'acheter une existence dans les cercles mondains via des œuvres surcotées artificiellement par les maisons de vente et de qualité artistique discutable (non, je ne fais pas partie des versaillais en loden qui ont manifesté devant le Château pour interdire Murakami, pour le coup j'étais pour, mais je revendique quand même mon droit de dénoncer le bullshit et la connivence insupportable de ce milieu où quiconque ose émettre un avis contraire se fait traiter de facho et d'ennemi de la création)Rythmé par les musiques originales de Roni Size et de Geoff Barrow (Portishead) et la narration très tongue-in-cheek du génial Rhys Ifans, Faites le mur, excellentissime et carrément indispensable, sort en salles le 15 Décembre.