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mercredi 19 décembre 2012

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By / 09/12/2012 / No Comments
A la New Square Gallery depuis le 30 novembre est exposé Speedy Graphito. Si vous ne voyez pas qui c’est, en quelques mots, c’est le peintre français de 51 ans avec une houpette, qui est internationalement reconnu comme l’un des précurseur du street art et donc artiste contemporain majeur. Pourquoi ? Peut-être parce qu’en 1985 c’est LUI qui a réalisé l’affiche de la « Ruée vers l’Art » pour le Ministère de la Culture, peut être aussi parce qu’il a créé l’identité graphique extérieure de la Halle Saint Pierre… je passe le fait qu’une de ses création est depuis plus de 10 ans en train de se promener dans l’espace, ornant le vaisseau spatial Altaïr pour la Mission Soyouz …
Bref, je ne pourrais pas citer tous les projets qu’il a conçu tant ils sont nombreux et variés ! C’est pourtant devant un homme humble et sympathique, en train de réalisé une sorte de circuit imprimé au sol avec du scotch, touche finale avant le vernissage, que je me suis retrouvée avec mon petit carnet.
Pour sa deuxième exposition à la New Square Gallery, intitulée Like, Olivier Rizzo alias Speedy Graphito, nous fais prendre conscience de l’invasion du monde virtuel dans notre vie.Toujours avec beaucoup d’ironie, il nous montre comment ces nouveaux médias, objets électroniques et modes de communication réinventent à chaque instant notre perception des images qui envahissent notre quotidien, de plus en plus hautes définitions, bien sûr.
A la façon de son sujet, l’exposition est un message instantané, un affrontement entre notre conscience et la réalité. Speedy Graphito conçoit toujours toutes ses œuvres dans un ensemble, avec travail de mise en valeur, de scénographie. Ici, l’artiste a divisé son installation en trois thèmes.
Dans un premier temps, il dénonce les modifications des comportements depuis qu’internet est arrivé dans nos foyers. Une image, par le web est innombrablement plus de fois vues qu’avant. Cela change alors également le statut de l’art et plus précisément de l’image de l’art, qui est évidemment perçue différemment. C’est un questionnement sur la méthode d’utilisation d’internet comme prétexte et outil de création. Dans son travail Speedy Graphito représente toute l’iconographie de l’ordinateur, d’internet, de Facebook, de Google, de la Wii ou encore de la WiFi. Il est même tombé dans le piège de son œuvre, en regardant une photographie d’une de ses peintures sur l’ordinateur et en s’étonnant que la souris (peinte) ne se déplaçait pas en même temps que ses mouvements. C’est un automatisme qui aurait pu nous arriver à tous, internautes, devant la toile.
Dans ce sens, une série de peinture représentant des maisons isolées sur des îles sont les symboles, pour Speedy Graphito des internautes coupés du monde. Le délabrement des bâtiments matérialise la dégradation de La mémoire. Il dénonce le mensonge qu’est le système de « mémoire sauvegardée », car l’évolution de la technologie est faite telle qu’un outil comme une disquette est totalement obsolète aujourd’hui. On voit alors disparaître une partie de cette, de notre, mémoire.
Une autre série, de photographies cette fois ci, médium qu’il utilise pour la première fois dans son travail, prises à Venise, avec un message en italien de type mise en garde d’ordinateur, demandant si l’on veut veramente prendre cette photo. Sur ces montages, Speedy Graphito nous explique qu’il est choqué par le fait que les touristes préfèrent sauvegarder leur voyage dans des cassettes et cartes mémoires au lieu d’ouvrir les yeux et profiter de l’instant présent pour mémoriser dans leurs cerveaux de « vrais » souvenirs. Il se questionne également sur l’intérêt des photographies, comme celles de sa série, où l’on capture l’image d’individus en train de prendre le monument que l’on essaie nous-mêmes de photographier, mais parasité par ces personnes devant nous. Nous avons alors une image fausse du lieu, un souvenir qui ment.
Deuxièmement, le peintre nous emmène dans l’univers dans lequel il évolue : le street art. En effet, Speedy Graphito réalise beaucoup de performances sur des murs extérieurs des quatre coins du monde. C’est une réflexion sur la façon dont un tableau peint en atelier peut être perçu dans la rue. Pour ce thème on peut notamment admirer une bouteille de Bombe URBAN COLORS, de 2 mètres de haut, en résine peinte faite à partir d’un moulage de la sculpture à l’origine en polystyrène. Celle-ci est d’apparence usée pour renvoyer à l’idée de consommation. L’artiste ajoute que cet effet ajoute une âme à l’objet.
Justement, la bombe il l’utilise sur la toile mais aussi sur deux plaques de verre, Heroic Colors #1 et Heroic Colors #2, deux Pantone en référence à la TV, à certaines marque, à la musique ou encore au cinéma où l’on retrouve entres autres un jaune nommé « Yellow Pikachu 05937G», le orange de Orange, un rose nommé « Pink Floyd 08631Y» ou un vert sous le nom de « Green Lantern 08531C ».
Enfin, Speedy Graphito n’a pu passer à côté du plus grand sujet de notre actualité : la crise. La crise en tant que danger, notamment pour l’art. Pour la représenter, il a peint des maisons, inspirées du jeu Monopoly, ici abandonnée et en démolition, elles nous renvoient à la situation de l’immobilier. On est également confronter à des bidons d’essence recouverts de feuilles d’or, clinquants tel des bouteilles de parfum. Ils nous sont présentés, protégés par des parois en verre, comme des objets précieux, des bijoux. Ils sont disposés de façon à ce que le spectateur les surplombe, regarde ce symbole qu’est l’essence, auquel nous sommes encore dépendants, avec un sentiment de domination.
L’artiste veut dans son exposition raconter une histoire, certainement la sienne, et son rapport avec l’époque dans laquelle il vit. Une période où des problèmes écologiques importants se posent, à cet égard, il a peint une grande toile où l’on reconnaît un paysage de montagnes avec un curseur au milieu d’une croix ou d’un V pour répondre à la question « Do you want to save ? ».
Dans cette exposition, Speedy Graphito nous confronte également au monde de la téléphonie qui est devenu un membre supplémentaire de notre vie. Il nous présente une série de peintures, qui pourraient même être considérés comme des sculptures car ses toiles ont une forme de smartphone.
On y remarque un travail sur le rapport entre texte et image. C’est aussi un moyen de mettre en lumière le vocabulaire que s’est approprié internet et les ordinateurs, et qui change le sens des mots.
Sur les fonds d’écrans de ces smartphones géants, l’artiste nous renvoie à des allégories iconographiques tels que la Madonne ; Betty Boop qui tient le divin enfant : Bob l’Eponge. Derrière l’apparence humoristique de cette peinture, on est ici face à la mort, la Vierge Marie ornée d’un chapeau d’infirmière à la Croix Rouge. Ce thème est récurent chez Speedy Graphito. Son art est pourtant joyeux et pop. D’ailleurs, dans ses téléphones, les couleurs sont des codes émotionnels, elles ajoutent du sens aux sujets, le rose bonbon sur la coque du smartphone où l’on voit Gozilla et le message « Sorry, a system error occured. » donne un effet japonisant à l’objet. Effet renforcé dans les graphismes qu’il utilise comme les fleurs faisant penser à celles de l’artiste Takashi Murakami et à tout l’univers manga.
Dans sa vidéo L’échappée belle, un de nos personnage de dessin animé préféré sort de l’écran, et son image, dans le montage réalisé par l’artiste, devient donc noir à l’écran. Le vide. C’est l’expression « sortir de son conditionnement » qui prend tout son sens ici, autant pour notre héros que pour Speedy Graphito qui mène une bataille contre les étiquettes qu’on veut lui coller. C’est d’ailleurs pour cela que l’artiste multiplie les supports pour sortir des cases dans lesquelles on voudrait le ranger. De plus chaque support est pour lui une possibilité de réinventer un langage.
Ses pièces nous ramènent à l’enfance car le peintre utilise et détourne l’imagerie des comics, des dessins animés, des supers héros… Tous ces symboles gravés dans l’inconscient collectif. C’est certainement pour cette raison que Speedy Graphito est considéré comme artiste populaire. Car grâce à ces images il peut parler à tout le monde.
Un sentiment étrange m’a alors gagné en contemplant ses œuvres. Nos héros d’enfance, ainsi détournés de leurs contextes, semblaient diabolisés par ces nouveaux médias. Ils semblaient être sous l’emprise de ces derniers, mais après quelques secondes de réflexion, ce serait plutôt nous, humains, qui sommes totalement accrocs à ces nouveaux modes de fonctionnements et qui détournons toutes nos images aussi collectives ou intimes qu’elles soient dans un système de diffusion vicieux et d’où ne pourrons sûrement plus sortir. Reste à nous la maturité de savoir l’utiliser à bon escient…
Si vous voulez vraiment ? visiter cette exposition, pas besoin de vous connecter au Wifi pour télécharger l’appli GPS sur votre tablette tactile ou votre smartphone, il suffit juste de pousser les portes de la New Square Gallery au 40 rue Voltaire, dans le Vieux Lille avant le 26 janvier 2013. Elles sont ouvertes du mardi au samedi de 10H00 à 12H00 et de 14H00 à 19H00.
Et ! Tant que vous y êtes, dans le Vieux Lille, allez au 24bis rue Esquermoise, là c’est l’Urban Square Gallery. C’est un partenariat entre la New Square Gallery et l’Urban Basilic Café. L’inauguration a eu lieu le 3 octobre avec un artiste aussi discret que connu : Poisson, oui oui, le poisson que vous voyez un peu partout dans Lille et ses alentours nous offre l’occasion de le découvrir sur autre chose que du parpaing et ça vaut le détour. Tellement, qu’un nouvel accrochage est exposé depuis quelques jours car les œuvres de Poisson se sont vendues dès les premières minutes.
Cet espace a pour but de présenter uniquement des jeunes artistes s’exprimant dans la rue et de pouvoir les faire découvrir à tout types de public, autant les fans du street art que les habitués de la galerie. Qu’est ce qu’un street artiste fait dans une galerie ? Alors ça, c’est une autre histoire…
Made.
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Solo show de Speedy Graphito
du 30 novembre 2012 au 26 decembre 2013
New Square Gallery
40, rue Voltaire 59000 Lille