Banksy est l’artiste de rue le plus coté au monde. Le Britannique avait fait parler de lui à Calais, il y a quelques mois, en offrant des abris aux réfugiés dans la New Jungle, chemin des Dunes. Une démarche désapprouvée à l’époque par le maire Natacha Bouchart. Ce programme intitulé « Dismal Aid » ( « Aide lamentable ») continue, selon le site de Banksy. Mais vendredi, c’est en tant que street artist que Banksy a fait s’agiter la toile, et toujours à Calais.
Et si le père de Steve Jobs était resté en Syrie ?- Après New York et Gaza, c’est à Calais que Banksy a fait parler ses bombes de peinture. À trois reprises. Sous le pont de l’autoroute qui tient lieu d’entrée à la New Jungle, Banksy a représenté Steve Jobs, sac au dos, et un antique Macintosh à la main. Le pochoir est légendé sur le site de l’artiste : « Le fils d’un migrant de Syrie. » C’est le plus remarquable des trois, le plus élaboré, le seul des trois réalisé en plusieurs couleurs. Il est peint à l’extrémité du mur, entouré de tentes de réfugiés. L’ambiguïté de la démarche est que cet endroit peut devenir un pole attractif pour les nombreux admirateurs de Banksy. Toutefois il n’est pas visible de la route ; et on ne peut l’approcher qu’après le contrôle des gendarmes mobiles… « It’s nice » ( « C’est joli ») dit simplement un jeune réfugié. Il sourit. Tout ce manège est bien loin de ses préoccupations.
Le Radeau de la Méduse – Qu’on se console, Banksy a été généreux avec Calais. Rue de la Tannerie, « Nous ne sommes pas tous dans le bateau ». Banksy réinterprète le « Radeau de la Méduse » avec, au loin, un yacht. On y retrouve une pratique caractéristique de Banksy, un détail du mur fait partie intégrante du pochoir. En l’occurrence, c’est une bordure grise qui tient lieu de ligne d’horizon. La proximité immédiate des bureaux de l’Ofii (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) n’est sans doute pas étrangère au choix de l’artiste. Le propriétaire de ce bâtiment vient de gagner plusieurs milliers d’euros.
Vite, du plexiglas ! – Qu’on apprécie ou pas, Banksy a fait un cadeau à Calais. Sur le côté droit du poste de secours, tourné vers la mer, Banksy a laissé un grand pochoir dans la lignée de ses « balloon girls » (« fillettes au ballon ») qui font la fortune des marchands de souvenirs londoniens. Cette fois, la silhouette semble inspirée du Petit Prince de Saint-Exupéry. Valise au pied, il pointe une longue vue vers l’Angleterre, tandis qu’un vautour attend son heure. Philippe Destrehem a été l’heureux découvreur du Banksy de la plage. Il m’interpelle : « C’est dommage, il n’est pas signé ! Quand je suis passé lundi matin, la peinture était encore fraîche… » Et les yeux du Calaisien de s’écarquiller : « Ah bon ? C’est Banksy ? »
Ce simple pochoir, parce que c’est un Banksy, est une manne touristique en puissance. Paris peut maintenant envier Calais. Le revers, c’est la convoitise et le vandalisme. Les villes britanniques où Banksy a sévi recouvrent ses œuvres de plexiglas. La ville de Folkestone a même placé un vigile devant le pochoir « Art buff », en 2014, pour gérer l’affluence des fans du street artist dans les premiers jours.
La popularité de Banksy est telle que ses graffitis sont une destination touristique en soi. Puisse Calais et son commerce en tirer le meilleur parti.
Grégory FAUCQUEZ